L'appel de Séville
EAN13
9782846263221
Éditeur
Au Diable Vauvert
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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L'appel de Séville

Au Diable Vauvert

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« La corrida est moins qu’un art parce qu’elle semble échouer à produire une
vraie représentation, vouée qu’elle est à la présentation du vrai : un vrai
danger, une blessure béante, la mort. Mais, pour la même raison, la corrida
est plus qu’un art : c’est la culture humaine même. Ce n’est pas, comme
l’opéra, un art total, c’est une culture totale, parce qu’en elle fusionnent
toutes les autres pratiques culturelles. De fait, la corrida n’est ni un
sport, ni un jeu, ni un sacrifice, elle est plus qu’un spectacle et elle n’est
pas exactement un art ni vraiment un rite. Comme l’opéra, elle emprunte
quelque chose à toutes les autres formes de la culture pour en faire un tout
original et sublime. Elle fait de la surface des autres pratiques humaines sa
propre profondeur. Au sport, elle emprunte la mise en scène du corps et le
sens de l’exploit physique, mais non les scores et les records. Comme la
domestication, fondement de la civilisation, elle humanise l’animal, mais elle
le laisse libre. Comme dans un combat, on cherche à dominer l’adversaire, mais
toujours le même doit y vaincre, c’est l’homme. Aux cultes, elle prend
l’obsession des signes, mais il n’y a ni dieux ni transcendance. Au jeu, elle
emprunte la gratuité et la feinte, mais les protagonistes n’y jouent pas, si
ce n’est leur vie. Elle rend la tragédie réelle, parce qu’on y meurt tout de
bon, mais elle rend la lutte à mort théâtrale parce qu’on y joue la vie et la
mort déguisé en habit de lumière. D’un jeu, elle fait un art parce qu’elle n’a
d’autre finalité que son acte ; d’un art, elle fait un jeu parce qu’elle rend
sa part au hasard. Spectacle de la fatalité et de l’incertitude, où tout est
imprévisible — comme dans une compétition sportive — et l’issue connue
d’avance — comme dans un rite sacrificiel...La tauromachie est moins qu’un art
parce qu’elle est vraie, et au-dessus de tout autre art, aussi parce qu’elle
est vraie. Le toreo, art de l’instant qui dure, ne parvient jamais à
l'immuabilité des œuvres des « vrais » arts et à la pureté des créations
imaginaires, parce que ses œuvres sont réelles et donc vulnérables, parce
qu’elles sont entachées de l’impureté de la réalité : la blessure du corps, le
sang, la mort. »
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