Guerre

Louis-Ferdinand Céline

Gallimard

  • Conseillé par
    30 août 2022

    1914-1918

    J’ai attrapé la guerre dans ma tête.

    Et depuis, le style de l’auteur tente de rendre sensible cette folie.

    De Céline, je n’ai lu que Voyage au bout de la nuit, qui m’avait fortement marqué, et j’ai retrouvé avec plaisir le style inimitable. Ce qui m’a étonné, car il s’agit presque d’un premier jet.

    En revanche, j’ai été assez étonnée de trouver dans ces pages beaucoup de scènes de sexe. Je n’avais pas garder ce souvenir-là. Mais peut-être dans ses autres romans….

    J’ai été surprise de constater que Bébert devient Cascade, mais que sa fiancée, elle, ne change pas de prénom.

    J’ai été amusée des noms de ville que l’auteur déforme.

    J’attends la suite, maintenant.

    L’image que je retiendrai :

    Celle de la surdité unilatérale gauche dont le narrateur souffre depuis l’attaque au front et qui lui cause du soucis.

    https://alexmotamots.fr/guerre-louis-ferdinand-celine/


  • Conseillé par (Libraire)
    30 mai 2022

    Chainon manquant indispensable

    Cela explose de partout. La boue ensevelit des morceaux de cadavres. Les corbeaux se repaissent des déchets humains. Le canon gronde en permanence. Les hommes sont disloqués. Les villages détruits. Le monde se transforme en vaste charnier. Comment imaginer que Céline ne puisse avoir écrit sur ces moments où la raison humaine n’a plus de sens, où la démesure l’emporte, lui qui de surcroit a participé à cette vaste boucherie. Bien entendu il y avait déjà les pages incomplètes de Casse-Pipe où il racontait son engagement dans la cavalerie et une évocation de la blessure au front de Bardamu dans Le Voyage au bout de la nuit mais si on savait qu’il avait été blessé dès les premiers mois du conflit, on ne pouvait pas ne pas concevoir qu’il ne raconte sa détestation de la guerre en mêlant comme toujours la réalité de son existence et sa fantasque et incontrôlée imagination.

    Encore fallait il trouver ce texte obligé que l’écrivain évoquait souvent. On rappellera donc brièvement que Céline lors de sa fuite en 1944 laissa dans son appartement de la rue Girardon à Paris des manuscrits qui furent volés à la Libération de Paris par des « Libérateurs », appelés ainsi dédaigneusement par l’écrivain. Un anonyme remet en 1980 au journaliste Jean-Pierre Thibaudat des sacs contenant plus de cinq mille pages de manuscrits céliniens inédits, documents qui seront remis en 2021, après de nombreuses péripéties, aux ayants droits, Lucette Destouches, veuve de l’écrivain, étant désormais décédée.

    « Guerre » est le premier manuscrit rendu public, après de très rapides mais complets et indispensables travaux de transcription et d’études. Le texte qui nous est ainsi livré est donc un premier jet, raturé, corrigé, nécessitant normalement une relecture attentive, corrections et suppressions des répétitions par exemple. Que l’on ne s’y méprenne pas, cette « première version » de l’écrivain de Meudon dit l’essentiel, et n’est en aucune manière un brouillon mais une oeuvre à part entière. Le travail remarquable fait autour du manuscrit met à jour les noms des personnages qui changent parfois, comme les grades des militaires mais l’essentiel est là: le génie de l’écriture, le style incomparable, la flamboyance des mots, la violence des sentiments, la vision unique du monde. Et toujours cette invention de la vie.

    Le maréchal des logis Destouches fut soigné en 1914 à Hazebrouck puis aux Invalides. Ferdinand seul rescapé de son régiment erre à travers la campagne avant d’arriver et d’être soigné à Ypres puis à Peurdu sur-la-Lys. Il ne dort plus, il est l’objet de désir de l’infirmière Lespinasse qui pourrait rappeler la liaison de Céline avec Alice David, il perd beaucoup de ses facultés, isolé de ses compagnons de chambrée avec qui il partage peu de choses. Ferdinand ne se mélange pas et il faudra l’amitié d’un souteneur, Bébert, qui fait venir sa femme, une prostituée, pour qu’il sorte du Virginal Secours, et décrive de manière prodigieuse la petite vie d’une ville proche du front, où le canon se fait entendre perpétuellement. On entre dans le bar de la place, on dine chez un agent d’assurances, notable du lieu, on est dans la chambre avec Angèle qui offre ses charmes aux officiers anglais de « classe élevée ». Plus qu’ailleurs le sexe a une importance primordiale dans ce texte, mais la sexualité à la manière de Céline, pas celle des caresses et des mots doux, mais celle animale d’un besoin, d’une obligation, d’un désir brut et sauvage.
    Foisonnant d’outrances, d’exagérations, de délires, Céline glisse comme à son habitude quelques moments rares de poésie, de repos comme s’il brisait la cuirasse de son cynisme pour dire à sa manière que la vie peut parfois être aussi belle et tendre. Cette expérience de la guerre deviendra récurrente dans toute son oeuvre à venir, son désaveu et désamour de l’humanité « celle qu’on croit quand on a vingt ans », trouve racine dans cette expérience traumatisante psychologiquement comme physiquement.

    « J’ai attrapé la guerre dans ma tête » écrit il. Bourdonnante jusqu’à la fin de sa vie des bruits de canon qui envahiront son esprit, elle irradiera le reste de son oeuvre et de son existence, ne sachant pas encore qu’un second conflit modifierait encore plus profondément le cours des choses.


  • Conseillé par
    9 mai 2022

    A ne pas manquer !

    Loin de s’interroger si Guerre fait partie ou nom du roman Casse Pipe que son éditeur Denoël n’avait pas voulu publier, je trouve que ce court roman rassemble tout ce qui fait que Louis-Ferdinand Céline est un écrivain d’une étonnante modernité. Son style, d’abord avec, évidemment, cette langue parlée qu’il a su écrire. Même si Guerre ne comporte pas la ponctuation habituelle, le souffle y est, travaillé constamment et l’émotion, terriblement présente !
    Présentation complète sur
    https://vagabondageautourdesoi.com/2022/05/09/louis-ferdinand-celine/