La Femme paradis
EAN13
9782384311286
Éditeur
Le Mot et le reste
Date de publication
Collection
Littératures
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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La Femme paradis

Le Mot et le reste

Littératures

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Alors qu’une catastrophe a mis fin à la vie en société, une femme vit en
autarcie et en osmose avec la forêt qui l’entoure. Elle a renoncé à la
civilisation ou ce qu’il pourrait en rester. Dans une grotte qu’elle a
aménagée pour se protéger de la forêt et de ses habitants, elle mène une vie
ascétique à rebours de ce qu’elle a connu. Mais l’intrusion d’individus sur
son territoire menace tout ce qu’elle a construit et elle se prépare à
défendre ce dernier quoi qu’il en coûte. Commencent une course contre la
montre et une chasse à l’homme au milieu d’une nature dont la beauté et la
brutalité sont tour à tour dépeintes. Alors qu’elle lutte pour mener à bien sa
« mission », le danger approchant, le passé oublié émerge dans son esprit.
Elle sait qu’il faudra aller au bout. \---- "Des nuages noirs roulent dans un
ciel de cendre. Il pleut sur l’horizon, une pluie oblique dont les fines
gouttes nettoieront le feuillage d’automne des hêtres et des châtaigniers mais
ne rempliront guère les réservoirs. La lumière pâle du soleil perce par
endroit et projette ses rayons sur la canopée. « Les doigts de Dieu » comme P.
avait coutume de les désigner. Pas le temps d’admirer. Elle se relève,
enveloppe son cahier dans un film plastique, qu’elle glisse dans un sac à dos.
Elle rabat la bâche sur un tas de bois rangé contre la paroi de la falaise,
déplace une casserole de quelques centimètres et ajuste au-dessus un bambou
taillé en demi-lune. Elle attrape le sac et le place au côté de son fusil sous
l’avancée de la falaise. Ces gestes sont précis. Ils ne trahissent aucun
agacement, aucune impatience. Les premières gouttes picorent son visage, elle
enfile sa veste et se met à l’abri aux côtés du paquetage et du fusil." Je
prélève ma part, ni plus ni moins. Je tue pour vivre, pour ma sécurité et ma
nourriture. Dans la société, c’est la même tuerie sauf qu’ici, je ne délègue
pas mes besognes au boucher et au militaire. Dans la forêt, je m’expose, je me
salis. Un rocher assis sur le rebord de la falaise scrute l’horizon. C’est
comme s’il avait été posé là, il y a des millions d’années – old man rock -
vieux sage minéral face à l’immensité. L’homme a la manie de nommer les
choses. Il n’est pas suffisant qu’un rocher soit un rocher, il doit appartenir
ou ressembler à quelqu’un, alors il devient « le roc du bossu », « du gros
Jean » qui a sa cabane à deux pas ou « la pierre du diable » car sa forme
évoque un crâne coiffé d’une paire de cornes fourchues. L’homme recense ainsi
les montagnes, les cols, les vallées, les rivières, certains arbres
remarquables par leur taille ou leur forme. L’homme invente pour se consoler
de n’avoir rien créé. Il étiquette pour ne pas se perdre dans ce monde
indéfini, il baptise pour laisser une trace, pour exister, pour ne pas mourir
tout à fait. C’est sa grandeur et sa vanité. Elle s’adosse contre la hanche
granitique du stoïcien et partage avec lui un moment de sagesse immobile. Il
flotte dans l’air une odeur ferreuse comme si le vent glacial avait sucé une
balle et vous la recrachait au visage. Elle inspire cet air et l’accueille
avec bienveillance. Elle chasse de son cerveau toutes les pensées sales,
toutes les négations, toutes les images et étouffe les résidus sous une
épaisse couche de néant. Elle se vide et s’oublie. Elle a les yeux clos. Les
rafales brassant le froid du nord, cinglent son visage, les joues et le front
rosissent sans que ses muscles n’esquissent le moindre frissonnement. La
traque commence par une journée pétrifiée.
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