Ludovic P.

J'aime les récits d'aventure, les romans russes, les anti héros américians et l'absurde quand il révèle le tragique. Ma BD de référence: Portugal, de Cyril Pedrosa.

Au nom de l'Humanité

2

Glénat BD

14,50
Conseillé par (Libraire)
3 octobre 2015

Ce deuxième et dernier tome consacré à l'incroyable vie de Felix Kersten, le médecin suédois d'Himmler qui sauva nombres de vies durant la guerre en jouant un double jeu pour les résistants, met un point final heureux à la tentative de réhabilitation du médecin, disgracié pour sa collaboration avec les hauts responsables nazis. La sobriété des ressorts scénaristiques et des dialogues accroissent l'héroïsme et l'humilité du médecin. La dernière bulle en atteste, quand le représentant suédois vient finalement donner son passeport à Kersten:
- Ce n'est qu'une première étape. Un jour, docteur, chacun connaitra votre histoire et saura ce qu'il vous doit.
- Oh, je n'ai guère besoin de cela.
- C'est nous qui en avons besoin.

Conseillé par (Libraire)
3 octobre 2015

L'accomplissement de la destinée

A une épopée flamboyante sur les traces d'un digne descendant de Gengis Khan, Temudjin allie la spiritualité et la magie orientales. Les dessins sont profonds et vaporeux comme des songes, les dialogues épurés. Une vraie réussite.

Conseillé par (Libraire)
25 août 2015

Le Petit Poucet des souvenirs

Comme chaque été, Pascal, professeur de philosophie solitaire, part à la campagne. Cette année, en plus de ses livres, il embarque avec lui l'une de ses élèves, Margaux, fille d'un de ses collègues en proie à quelques tourments. Ces deux êtres un peu hors du monde vont faire la rencontre d'un homme pour le moins original:Florin. La soixantaine, le regard franc, sérieux fumeur de pipes dont il fait la collection, Florin n'a pas de mémoire. Ou du moins la perd-il depuis son enfance à la suite d'un accident. La seule mémoire qu'il lui reste est une mémoire sensorielle. C'est pourquoi il ramasse un caillou à chaque fois qu'il souhaite garder un souvenir. Et des histoires à raconter il en a plus d'une... Des bocaux entiers remplis de cailloux. La campagne l'été, les vers luisants dans les hautes herbes, une table dans un jardin, quelques bouteilles de vin, le fumet d'une pipe de bruyère. Le décor est planté, il ne reste plus qu'à écouter.

Pierre Raufats confirme ses talents de conteurs fantasque. Son personnage de Florin c'est un oncle d’Amérique tombé du ciel, mi-gangster du dimanche, mi-loup solitaire. Une réussite qui a le charme suranné des contes d'Orient.

23,00
Conseillé par (Libraire)
24 août 2015

De la chine contemporaine

Ces Chroniques de Zhalie s'ouvrent sur une curieuse confession de l'auteur: il a été grassement rémunéré par les autorités de la ville - car Zhalie est une ville certes fictive - pour en rédiger l'histoire sous forme d'épopée. En fait, il n'avait qu'à demander une somme, aussi exorbitante soit-elle, et les autorités s'exécuteraient si le récit rendait à la ville toute sa gloire. Ce préambule reflète à lui seul l'esprit du roman et l'ambition dévorante de ses protagonistes, personnification de la Chine contemporaine. Simple village, Zhalie va s'ériger en métropole en l'espace d'une vie d'homme, en l'occurrence celles d'un voleur et d'une prostituée issus de familles rivales. Leur mariage va donner naissance chez l'un comme chez l'autre à un appétit grotesque et absurde pour l'argent et le pouvoir. L'ambition va devenir à la fois le moteur et l'essence permettant de faire avancer le village vers un prétendu progrès et par ricochet, ses dirigeants dans la hiérarchie du parti. Pour cela, le vol, la prostitution et la corruption seront autant de moyens pour y parvenir. Pour eux, la morale est un frein et le bien et le mal leur sont étrangers. La seule chose en laquelle ils croient c'est en leur destin. C'est là toute la force du récit et de cette Chine contemporaine qui écrase les individus au nom d'un idéal collectif abstrait.
Une épopée formidable donc qui pêche légèrement au début en raison d'une traduction sans doute trop près du texte. Mais ce trait s'estompe heureusement.

Conseillé par (Libraire)
30 juillet 2015

Rencontre du troisième type

Eric-Emmanuel Schmitt est né deux fois. En 1960, à Lyon, et en 1989, au Sahara. C'est à cette deuxième naissance qu'il consacre son court roman La nuit de feu. Au cours d'une expédition dans le désert d'une dizaine de jours, après l’ascension d'un sommet, il va perdre le chemin du retour au camp et passer une nuit, seul. Cette nuit va être illuminée par un feu intérieur, la rencontre avec celui qu'il appellera Dieu, par commodité plus que par conviction religieuse.

Roman initiatique et autobiographique, La nuit de feu ne se veut jamais dogmatique. Eric-Emmanuel Schmitt ne se fait pas prophète, il ne cherche pas à convaincre quiconque. Il se pose en homme sensible, au sens épidermique si l'on peut dire. Au début de son périple, l'auteur alors âgé de 28 ans n'est pas croyant. Fidèle à sa posture de philosophe, "Dieu n'est présent, pour lui, que sous la forme de sa question". Mais l'influence, plus ou moins consciente, du désert, de la rencontre avec leur guide Touareg, incarnation d'une sagesse non pas abstraite (celle du bon vieux indigène) mais pratique, celle de l'homme confronté chaque jour au vide, à l'immensité, à la dureté de la vie dans le désert, vont jouer pour beaucoup dans cette embrasement.

Au final, le récit ne vire jamais dans la niaiserie de bigot. C'est léger, et qu'on croit ou non en Dieu, on est interpelé. Comme il le dit très bien lui-même, "sur terre, ce ne sont pas les occasions de s'émerveiller qui manquent, mais les émerveillés."